Permettez -moi de partager mon point de vue sur Troubleyn et Jan Fabre. Je suis un interprète et metteur en scène, j’ai travaillé régulièrement à l’international et j’ai eu le plaisir de participer dans un spectacle de Jan Fabre de 2003 à 2005. Je n’ai que des souvenirs positifs à relever de cette époque-là. Autant le rapport de travail avec la compagnie permanente que ma relation avec Jan Fabre ont été courtois, professionnels et irréprochables. Les créations que Jan propose sont certes exigeantes et très demandantes physiquement c’est comparable à des athlètes de haut niveau, mais le type de relation installé est clair: c’est une collaboration pour laquelle ont donne sans compter au service d’une idée dont Jan en est le “peintre”, c’est de l’ordre du sacerdoce. C’est pour cette raison d’ailleurs que je ne suis pas resté dans la compagnie, je me suis dit que tant qu’à m’investir aussi intensément pour la création autant le faire pour mes propres spectacles.
Ce type de travail exige une forme de lâcher prise dans le processus de création qui ne laisse pas de place à l’égo des interprètes. Je pense qu’on s’en accommode, auquel cas une magie peut opérer dans la dynamique de travail, ou alors on remet en question le processus et on en souffre. Bien que son point de vue d’artiste soit souvent dérangeant et radical, les thèmes sur lesquels Jan travail m’ont toujours semblé fondamentaux pour la condition humaine, aussi pendant les répétitions j’ai toujours accepté, comme interprète, d’être ouvert, en confiance et donc vulnérable d’une certaine façon, et de m’impliquer avec l’essence de mes pulsions et de mes sentiments. Il n’est pas rare de se blesser dans ce contexte où l’on se désarme, autant physiquement qu’émotionellement, parce qu’il est difficile d’aller à la limite et de toucher l’extrême sans aller trop loin pendant qu’on explore le matériau proposé. Je pense évidemment que comme interprète on n’est pas les seuls garant de cette limite, car ce rapport peut être facilement manipulé, mais dans mon cas j’ai toujours senti une bienveillance exemplaire de Jan à mon égard.

Aussi je vous demande de ne pas mettre en péril le soutient à cette compagnie. Car les personnes que j’y ai côtoyé et qui y travaillent encore sont, au-delà de leurs compétences professionnelles, chaleureuses, droites et bienveillantes. Dans un contexte où les réseaux sociaux et les mouvement “me too” peuvent faire un effet boule de neige , il est nécessaire de faire la part des choses, sans pressions médiatiques, pour y voir plus clair.

Paulo Dos Santos